Les Ravaudeurs
D’aussi loin que remonte l’histoire de votre caravane et la transmission orale de son histoire, vous avez été des voyageurs, bien avant même la Grande Peste et le déclin des grandes nations qui vous regardaient de haut et vous chassaient de leurs contrées comme des nuisibles. La débrouillardise et la survie nomade sont dans votre sang depuis plusieurs générations et vous êtes, aujourd’hui, dans ce monde de misère, ceux qui s’en sortent probablement le mieux. Parce que cela fait bien plus longtemps qu’eux que vous survivez à la marge. Vous n’avez jamais possédé grand chose, ni n’aviez rien à perdre et avez toujours été sans attache.
D’aussi loin que remonte votre histoire, vous avez toujours été des gens joviaux et festifs. Il y a très longtemps, cela participait de votre survie car distraire les petites gens apportait son lot de monnaie. Aujourd’hui, cela participe plutôt à votre équilibre mental en ces temps obscurs où l’ordre et la civilisation sont devenus extrêmement rares. Et puis c’est un moyen de vous transmettre vos histoires de façon agréable alors même que leurs origines et leurs sens premiers se sont perdus.
De toute façon, plus personne n’a de monnaie à distribuer à des saltimbanques et rares sont les gens qui ont de l’eau ou de la nourriture à céder contre quelques chants et danses.
Désormais, ce sont vos talents de ravaudeurs qui vous assurent de quoi subvenir à vos besoins. Dans un monde où les ressources brutes se sont raréfiées faute de main d’oeuvre, le moindre objet se répare jusqu’à tomber en miette, et même encore ces miettes là peuvent servir. Votre savoir reste rudimentaire mais couvre de vastes domaines. Nullement spécialisés en quoi que ce soit, vous savez cependant les bases d’un peu tout et n’importe quoi, parfois même des savoirs sans utilité aujourd’hui.
À travers le temps et les voyages, vous n’avez rien perdu de vos habitudes de récupérateurs, de votre habileté à réparer et transformer ainsi que votre absence d’intérêt pour l’opinion d’autrui ou au fait de conformer à un quelconque style. De fait, vos tenues sont par exemple un sacré bric à brac bigarré mais sommes toute très adaptées aux voyages. Car sous vos airs insouciants, vous avez une forme de pragmatisme, même ce qui à l’air superflu vous est utile.
Même vos quelques instruments de musique sont étranges et sont des exemplaires uniques, patchworks improbables d’anciens instruments égrenant aujourd’hui des sons originaux.
Vous n’avez cependant pas toujours bonne réputation. Sur les routes et dans les maigres villages croisés, persistent toujours les rumeurs de gens mal lotis et jaloux qui disent que vous êtes trop heureux et bien portants pour être honnêtes, et que vous possédez bien des choses acquises non pas par glanage mais par vol des plus faibles.
D’autres vont même jusqu’à dire que vous avez fait quelque obscur pacte, parce que c’est vraiment pas très normal tout ça. Vous faites actuellement route vers un comptoir par lequel il semblerait qu’une voie vers l’Est soit ouverte. Il est plus que temps de changer d’horizon.